14 millions de tonnes de polystyrènes sont produites chaque année. Il est parfaitement recyclable, mais dans la nature c’est un matériau qui met des milliers d’années à se dégrader. Il existe deux sources de déchets de mousses de polystyrène : le polystyrène expansé (PSE) et le polystyrène extrudé (XPS). Rien qu’en France, on estime le gisement de déchets à 39 000 tonnes avec une répartition d’environ 19 000 tonnes pour les déchets des ménages et 20 000 tonnes pour les déchets industriels. On ne produit qu’environ 50 % du PSE d’emballage en France majoritairement à destination de l’industrie (1).

Dans la région de New York, à Green Island, Eben Bayer et Gavin McIntyre, les cofondateurs d’Ecovative Design, ont trouvé leur source d’inspiration en regardant des champignons pousser sur des copeaux de bois ! Ils ont constaté avec fascination la façon dont le mycélium — la partie filamenteuse du champignon, ou racine — liait les copeaux entre eux. Le mycélium, un réseau de cellules fongiques agissant entre elles de manière à former « une colle naturelle ». De cette observation est née une nouvelle méthode de production des matériaux susceptibles de remplacer certains plastiques expansés fabriqués à partir de pétrole ou panneaux de particules réalisés à partir de formaldéhyde cancérigène.

La matière première utilisée est d’origine agricole. La conception repose sur l’utilisation de plantes ou de parties de plantes impropres à la consommation et ayant par conséquent une très faible valeur économique. Après avoir été nettoyée, cette matière première sert de substrat au mycélium qui la digère, formant entre 5 à 7 jours un réseau de filament à la forme désirée, et ce sans ajout d’eau ni de lumière. Au terme du processus, la matière recueillie passe par une étape de déshydratation et de chauffage afin d’arrêter la croissance et de s’assurer qu’il n’y a pas d’agents allergènes ou de bactéries.

C’est un biopolymère différent des autres, car nous utilisons l’ensemble du matériau de base, c’est un excellent rendement environnemental » explique Eben Bayer.

Ce procédé induisant un minimum de transformation réduit le coût final et le rend économiquement viable. En fin de vie, le produit peut être facilement composté sans aucun équipement nécessaire.

En 2010, Ecoactive a lancé une gamme d’emballage appelé EcoCradle®, Steelcase, une entreprise internationale de fourniture de bureau et Dell computer corporation, leader en systèmes informatiques, ont été les premiers à l’adopter. Depuis, Ecoactive fournit ses emballages à un nombre croissant d’entreprises d’envergure mondiale. À l’heure actuelle, Ecoactive explore d’autres débouchés possibles pour ses biomatériaux tels que la fabrication de matériau d’isolation.

Démarrée en 2007, l’entreprise compte aujourd’hui près de 80 personnes et plusieurs unités de productions (2).

Ecovative soutient que ces racines de champignons sont résistantes au feu, qu’elles ont des qualités isolantes thermiques excellentes et qu’elles sont une véritable alternative au polystyrène (dérivé du pétrole polluant) trop souvent utilisé dans l’isolation. Elles sont aussi une alternative aux isolants bios, comme la laine de bois, la laine de chanvre, la ouate de cellulose, qui demandent un léger pourcentage de catalyseurs chimiques pour les stabiliser. Pour le prouver, ils ont construit le mois dernier dans un hangar de la région de New York, une « Tiny house » en bois dont les murs et la toiture ont été isolés avec du mycélium.

La particularité de cette isolation c’est qu’elle est entièrement naturelle, le mycélium qui s’est développé dans le noir sur un support de déchets végétaux provenant de l’agriculture (broyat de tiges de céréales), devient un véritable ciment isolant dans l’épaisseur de la paroi.

Le polystyrène représente 30 % des déchets contenus dans les déchetteries aux États-Unis. Difficile pour ce dérivé du pétrole de rivaliser avec les caractéristiques de l’EcoCradle. Ce dernier est fabriqué à partir des résidus agricoles comme le sarrasin, le duvet de coton ou la balle de riz. Il est aspergé de mycélium, un concentré de cellules de racines de champignons.

Pour chaque unité produite — de l’emballage de téléviseur à celui d’un grille-pain —, nous consommons dix fois moins d’énergie et émettons huit fois moins de CO2 durant la vie du produit que l’équivalent en polystyrène », précise Eben Bayer. « Il s’agit d’une biotechnologie élémentaire qui s’apparente davantage à la cuisine ou à la culture de légumes qu’à la manipulation génétique », ajoute-t-il.

Un panneau d’isolation thermique prêt à être installé

Vers 2016, la filière britannique du géant du meuble IKEA a annoncé vouloir modifier son modèle de conditionnement. Utilisant autrefois le polystyrène, le grand magasin est conscient de ses effets néfastes sur la nature. Dans un objectif de réduction des déchets et d’optimisation du processus de recyclage, IKEA a choisi de se tourner vers les champignons pour ses emballages de protection biodégradables. À voir si cela dépassera le stade de l’intention : la firme vient d’annoncer qu’elle sera sans plastique d’ici 2028, mais privilégierait à l’heure actuelle davantage le carton et le papier. À suivre donc pour voir quel destin elle réservera au polystyrène.

En tout cas, gageons que ce type d’emballage est promis à un bel avenir.

  1. http://recovering.fr/index.php?id=142
  2. http://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/case_studies/ecovative-1
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