Quand le designer italien Arturo Vittori et l’architecte suisse Andreas Vogler ont visité l’Éthiopie en 2012, ils ont été choqués de voir des femmes et des enfants contraints de marcher des kilomètres pour accéder à ce qui pour eux a toujours été à portée de main : l’eau.

Arturo Vittori a donc développé des tours hautes de neuf mètres, chargées de capter l’eau présente dans l’air pour la transformer en eau potable. Warkawater (Warka est le nom d’un figuier africain symbole de fertilité) est constituée d’un filet à mailles fines de nylon ou polypropylène qui condense la vapeur d’eau présente dans l’atmosphère. En bas de la tour, un réservoir permet de collecter jusqu’à 100 litres d’eau potable par jour, selon son créateur. L’ensemble est adossé à une structure tressée à partir de matériaux naturels locaux et ne pèse que 60 kg.

En Éthiopie, les villageois sont souvent obligés de marcher plusieurs heures avant d’atteindre une source d’eau à la qualité douteuse.

Warkawater a été conçue pour fournir de l’eau potable, protéger l’environnement, mais aussi fournir un débouché financier aux habitants des villages », explique Arturo Vittori. Car si une tour coûte environ 550 dollars, elle fournit de l’eau gratuitement par la suite. « Une fois qu’ils ont appris à construire une tour, les locaux pourront transmettre leurs connaissances aux villages alentour », poursuit-il.

Cinq prototypes ont déjà été fabriqués et exposés, notamment à la Biennale de Venise. Arturo Vittori espère construire les deux premières tours en Éthiopie courant 2015 et cherche des soutiens financiers pour essaimer l’Afrique. Même dans les régions les plus arides, le taux d’humidité atmosphérique peut atteindre 20%.

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En 2015, la première Warka Tower a été installée près de Bahar Dar, au nord-ouest du pays. « Nous commençons par l’Éthiopie, car c’est un test », poursuit Arturo Vittori. « Nous voulons voir si les gens l’acceptent. Si tout fonctionne comme prévu. En tout cas, le projet peut s’adapter à n’importe quel pays. Les villages que nous avons choisis sont perchés à 3 000 ou 4 000 mètres d’altitude. Nous avons donc étudié la météorologie des zones montagneuses. Mais on peut très bien imaginer une de ces tours en milieu désertique », ajoute-t-il. Capable de s’adapter au climat, la Warka Tower doit aussi coller à l’artisanat traditionnel. Un point sur lequel l’architecte ne badine pas. « Dans cette région Nord de l’Éthiopie, j’ai observé comment est construit l’habitat, comment les gens fabriquent leurs objets de tous les jours. Et même comment ils s’habillent eux-mêmes. Je me suis inspiré des toukouls, ces maisons rondes faites en torchis avec un toit tissé. Des paniers ou des tapis tressés très typiques de cette localité… Si je voulais implanter la même structure dans le sud du pays, je reprendrais depuis le début son design », explique-t-il.

À scruter la région, l’architecte a aussi été choqué par la déforestation rampante. En cinquante ans, l’Éthiopie a perdu 90 % de ses forêts. D’où le nom « warka », en référence à ce figuier local, un arbre gigantesque, symbole de fertilité en Éthiopie. « Abattre les arbres rend encore plus difficile l’accès à l’eau. Et cet arbre, le warka, est aussi un lieu de réunions dans les villages. Les instituteurs enseignent sous ces arbres… On a décidé avec mon équipe qu’à chaque Warka Tower installée, un de ces arbres sera planté chez chaque travailleur », dit Arturo Vittori. C’est que son projet ne se focalise pas uniquement sur un meilleur accès à l’eau. Il veut rendre aux villageois leurs ressources en suivant à la lettre leur mode de vie et leurs traditions. Et c’est là que le créateur concrétise la vision qu’il a du design : « Le rendre capable de changer la vie quotidienne d’une population. » (2)

Dans le monde, 706 millions de personnes n’ont pas d’accès à l’eau potable. Un problème alarmant responsable de la mort d’environ 1400 enfants de moins de 5 ans chaque jour, forcés de boire de l’eau contaminée, vecteur de bactéries et de maladies. Il faut savoir également que femmes et enfants doivent marcher des heures dans les régions montagneuses en Éthiopie afin de trouver un point d’eau, souvent de mauvaise qualité.

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La technique n’est pas inédite. Au Pérou, des « attrape-brouillard » captent ainsi l’eau de la brume nocturne depuis une petite décennie. En Éthiopie, la nouveauté est ailleurs. « La dimension sociale du projet est primordiale », dit Arturo Vittori. Autre atout : la plupart des matériaux sont peu chers et disponibles localement. Le bambou, par exemple, est présent en quantité en Éthiopie.

Son associé en Éthiopie, Tadesse Girmay, est formel. « Les gens n’auront aucun mal à adopter le projet. Au sud, on utilise le bambou pour faire des huttes. Au nord, on en fait des barrières, des abris, des paniers… Le savoir-faire est là. Il suffira de guider les gens. » (3)

En Éthiopie, seulement 34% des habitants ont accès à l’eau potable. Cette révolution va leur offrir de l’eau potable simplement et en grande quantité.

Même dans les régions les plus arides, le taux d’humidité atmosphérique peut atteindre 20 %. Pour le prospectiviste américain Thomas Frey, (4) la collecte de l’eau présente dans l’air pourrait s’imposer comme une solution face à l’amenuisement des ressources en eau potable des fleuves et nappes phréatiques.

  1. http://www.wedemain.fr/Warkawater-la-tour-qui-transforme-l-air-en-eau_a544.html
  2. source : http://afrique.lepoint.fr/economie/warka-tower-ce-piege-a-eau-qui-pourrait-changer-la-vie-des-africains-30-06-2014-1857864_2258.php
  3. Vincent Defait pour www.letemps.ch
  4. https://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_Frey
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