Lorsque Henri de Laulanié (1920-1995) découvre le premier le Système de Riziculture Intensive (SRI) à Antsirabe, au centre de Madagascar, il sait pertinemment qu’il vient de trouver un outil de développement économique révolutionnaire. On est alors en 1983-1984.

Celui que l’on appelle le visionnaire réaliste à Tefy Saina (1), O.N.G. en charge de pérenniser son œuvre, imaginait pour Madagascar un bond socio-économique à l’aube du 21ème siècle.

Le développement de Madagascar doit se faire de l’intérieur, c’est à dire à partir de ses ressources propres, et l’homme doit en être un acteur à part entière. »

C’est en résumé la doctrine du Père de Laulanié. C’est dans cette optique que l’association se donne pour principale mission la formation des jeunes. « Car le changement de mentalité ne peut s’obtenir qu’au bout de 30 ans, le temps d’un renouvellement de génération ». Le père de Laulanié pensait que la formation doit aboutir à un changement de mentalité et de comportement chez l’homme paysan. Pour être efficace, elle doit se faire dans le cadre d’une pédagogie adaptée aux réalités locales. Son contenu, sa forme, son organisation doivent correspondre aux attentes, aux besoins, aux potentialités et aux structures sociales des bénéficiaires.

Trente ans plus tard donc, sa découverte commence à vraiment faire son chemin. Comme en Inde, où des récoltes importantes de riz, de pommes de terre et de blé sont cultivées avec des méthodes innovantes comme l’agroécologie, donc le SRI fait naturellement partie.

Tefi Saina a commencé à travailler avec l’Institut international pour l’alimentation, l’agriculture et le développement de Cornell en 1994 (2).

Aujourd’hui, le SRI est considéré comme l’un des développements les plus importants des 50 dernières années, des 500 millions d’agriculteurs à petite échelle de la planète et des deux milliards de personnes qui dépendent d’eux. Le réseau est structuré à travers 44 pays.

Le SRI est essentiellement un changement dans la gestion des plantes, du sol, de l’eau et des éléments nutritifs dont le riz irrigué (le seul itinéraire capable de nourrir les hommes assez longtemps) a besoin pour pousser. Les jeunes plants sont repiqués de manière précoce en les espaçant davantage pour encourager la croissance rapide du couvert des racines et augmenter le rendement par plante. Ces principes ont été plus récemment appliqués à d’autres cultures comme le blé, la canne à sucre et le millet où ce système est connu sous le nom de « système d’intensification des cultures (SIC) ».

L’eau est gérée avec soin et est appliquée à des étapes précises. Les matières organiques comme le fumier sont régulièrement introduits pour maintenir la structure du sol et le développement microbien. Dans d’agriculture, même le processus de désherbage contribue à l’amélioration des sols. Une houe rotative simple utilisée à certains moments replace les mauvaises herbes décomposées dans le sol, aère la terre et favorise un bon enracinement par la taille des racines.

Le SRI et le SIC offrent un avenir durable à long terme dans l’agriculture sans coût supplémentaire au lieu des brevets de semences d’OGM faites de manipulation et de produits chimiques rendant les agriculteurs dramatiquement dépendants aux dettes.

« Dans ce système d’agriculture, on utilise moins de graines, moins d’eau, moins de produits chimiques et on obtient plus sans avoir à investir davantage ». C’est révolutionnaire, a déclaré le Dr Surendra Chaurassa du ministère de l’Agriculture de l’état indien de Bihar (104 millions d’habitants en 2011).

Je n’y croyais pas au début, mais maintenant je suis convaincu que cela peut potentiellement changer le système d’agriculture dans le monde entier. Je veux que chaque état puisse promouvoir ce système. Si nous obtenons 30-40 % d’augmentation des rendements, je ne vois pas un meilleur argument pour le recommander. »

Sumant Kumar était fou de joie quand il a récolté son riz l’année dernière (2012). Il y avait eu de bonnes pluies dans son village de Darveshpura et il savait qu’il pourrait espérer mieux que les quatre ou cinq tonnes habituelles par hectare. Et chaque tige coupée de sa rizière près de la rive de la rivière Sakri semblait peser plus lourd qu’à l’accoutumée. Chaque grain de riz était plus grand et quand sa récolte fût pesée, même Kumar a été choqué.

Ce n’était pas six, ni 10 ou 20 tonnes. Ce jeune agriculteur timide du district de Nalanda de l’État le plus pauvre de l’Inde, avait — en n’utilisant que le fumier de ferme et sans herbicides — atteint une levée de 22,4 tonnes de riz sur un hectare de terrain. C’était un record du monde et avec du riz, l’aliment de base de plus de la moitié de la population mondiale, big news comme l’écrit le Gardian en date du 16 février 2013. (3)

C’est donc dans cet état indien où Bouddha connut l’illumination que ces techniques trouvent un écho conséquent à travers le monde.

Le comédien Jim Carrey s’est engagé très en avant pour la promotion de ce système à travers sa fondation Better U Fondation (4) qui a des partenariats à Madagascar, Haïti, Mali, Ithaca, Costa Rica…

Le SRI est adopté par des milliers de paysans dans une qurantaines de pays en Asie et en Afrique. Les défenseurs du système notent un certain désintérêt de la part des scientifiques occidentaux. Pourtant, de nombreux instituts de recherches des pays émergents, comme l’Université agricole du Tamil Nadu en Inde, l’expérimentent. Dans ce dernier cas, face au succès des recherches, le gouvernement a alloué, en 2003, 50 000 $ à la promotion du système (Source : Reporters d’Espoirs, mediaf.org).

1. https://fr-fr.facebook.com/tefysaina/
2. http://sri.cals.cornell.edu/aboutsri/methods/index.html
3. l’article intégral en anglais ici : http://www.theguardian.com/global-development/2013/feb/16/india-rice-farmers-revolution?CMP=twt_gu
4. http://www.jimcarreyonline.com/info/betterufoundation.html?p=2

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